En bref
Une grande étude de Harvard montre que notre alimentation peut littéralement enflammer ou apaiser notre corps. Le score EDIP, basé sur des groupes d’aliments, permet de prédire avec précision les niveaux d’inflammation dans le sang — un facteur clé du vieillissement accéléré et des maladies chroniques. Les personnes avec un régime alimentaire pro-inflammatoire avaient jusqu’à 60 % de CRP en plus et 21 % d’adiponectine en moins.
Introduction
Une équipe de chercheurs de Harvard a mis au point un outil unique, le score EDIP. Il permet de prédire le niveau d’inflammation dans notre organisme en fonction de ce que nous mangeons. L’étude révèle une vérité simple et bouleversante : chaque bouchée peut nourrir notre santé ou notre déclin.
Ce que révèle vraiment l’étude scientifique
Objectif
Comparer deux façons de mesurer l’impact de l’alimentation sur l’inflammation :
- le DII (index nutritionnel, basé sur des nutriments),
- le EDIP (score empirique, basé sur des groupes d’aliments entiers, selon les marqueurs inflammatoires dans le sang).
Participants
- 5 826 femmes de la Nurses’ Health Study II
- 5 227 hommes de la Health Professionals Follow-Up StudyTous ont rempli des questionnaires alimentaires et donné un échantillon sanguin.
Biomarqueurs mesurés
- CRP (C-reactive protein) : inflammation systémique
- IL-6 : cytokine inflammatoire
- TNF-αR2 : récepteur soluble lié à l’inflammation
- Adiponectine : hormone anti-inflammatoire
Des résultats qui transforment notre compréhension de l’alimentation et de l’inflammation
Les chercheurs ont analysé plus de 11 000 participants (5 826 femmes et 5 227 hommes), issus de deux grandes cohortes américaines, toutes deux suivies sur le long terme : la Nurses’ Health Study II et la Health Professionals Follow-Up Study. Ces personnes ont fourni à la fois des données alimentaires détaillées (via des questionnaires validés), et des échantillons de sang pour mesurer leur niveau d’inflammation systémique à travers quatre biomarqueurs :
- CRP (C-reactive protein), un indicateur standard d’inflammation chronique.
- IL-6 (interleukine-6), une cytokine pro-inflammatoire associée au vieillissement, aux maladies cardiovasculaires et au cancer.
- TNF-αR2, un marqueur de l’activité du facteur de nécrose tumorale alpha, impliqué dans de nombreux processus inflammatoires et auto-immuns.
- Adiponectine, une hormone produite par les cellules graisseuses, connue pour ses effets anti-inflammatoires et protecteurs cardiovasculaires.
Résultats comparés par quintiles de score EDIP
Les participants ont été divisés en cinq groupes (ou “quintiles”) selon leur score EDIP, allant de l’alimentation la plus anti-inflammatoire (quintile 1) à la plus pro-inflammatoire (quintile 5). Les résultats sont frappants.
Chez les femmes :
- Le niveau moyen de CRP était 60 % plus élevé dans le quintile le plus inflammatoire (Q5) par rapport au plus anti-inflammatoire (Q1).
- IL-6 était 23 % plus élevé.
- TNF-αR2 : +7 %.
- Et l’adiponectine, qui agit comme un régulateur positif du métabolisme et de la réponse immunitaire, était 21 % plus basse.
Chez les hommes :
- CRP : +38 % (Q5 vs Q1)
- IL-6 : +14 %
- TNF-αR2 : +9 %
- Adiponectine : −16 %
Ces différences sont hautement significatives sur le plan statistique. Elles confirment qu’un régime alimentaire à haut EDIP modifie l’environnement biologique du corps dans un sens inflammatoire, mesurable objectivement par des tests sanguins.
L’impact sur la santé à long terme
Ces marqueurs inflammatoires sont directement associés à un risque accru de nombreuses maladies chroniques :
- CRP et IL-6 sont prédicteurs d’accidents cardiovasculaires et de mortalité toutes causes confondues.
- TNF-αR2 est lié à la progression de certains cancers, à l’insulino-résistance, et aux troubles auto-immuns.
- Une adiponectine basse est fortement corrélée à l’obésité viscérale, au diabète de type 2 et à l’athérosclérose.
Autrement dit, plus votre alimentation est pro-inflammatoire selon le score EDIP, plus votre corps vit en état de stress inflammatoire de fond — même si vous vous sentez “en bonne santé”.
Pourquoi l’EDIP est-il supérieur au DII ?
L’étude a également comparé le score EDIP, basé sur les groupes d’aliments réels consommés, au score DII, plus théorique, basé sur les nutriments isolés (graisses, vitamines, minéraux…).
Résultat :
- L’EDIP est un meilleur prédicteur de l’inflammation systémique mesurée par le sang.
- Il est plus pratique à utiliser car il correspond à des aliments concrets (pizza, pommes, café…) et non à des grammes de tel ou tel micronutriment.
C’est une avancée majeure : plutôt que compter les calories ou les milligrammes de nutriments, on peut s’appuyer sur un indicateur simple et valide, centré sur les vrais choix alimentaires.
Les aliments qui nourrissent ou calment l’inflammation
Aliments pro-inflammatoires (haut score EDIP)
Ces aliments sont fortement corrélés à une élévation de l’inflammation :
- Viande rouge (bœuf, agneau…)
- Charcuteries (saucisses, bacon, jambon)
- Boissons sucrées (sodas, jus industriels)
- Boissons light (même sans sucre)
- Pommes de terre frites
- Pizza industrielle
- Pain blanc et céréales raffinées
- Desserts industriels (gâteaux, biscuits)
- Plats préparés riches en graisses saturées
Aliments anti-inflammatoires (bas score EDIP)
Ceux-ci sont associés à des niveaux plus bas de CRP et IL-6 :
- Légumes à feuilles vertes (épinards, chou kale)
- Légumes crucifères (brocoli, chou-fleur)
- Carottes, courges, patates douces
- Fruits entiers (pommes, poires, baies)
- Céréales complètes (avoine, quinoa, riz brun)
- Thé (vert ou noir)
- Café
- Vin rouge (en quantité modérée)
- Huiles végétales saines (olive, colza)
Ce que nous pouvons faire pour notre santé selon cette étude
Choisir une alimentation qui apaise l’organisme
Faites de la place dans votre quotidien aux légumes colorés, aux fruits frais, aux céréales complètes. Réduisez les produits transformés et la viande rouge.
Éviter l’inflammation invisible
L’inflammation chronique ne fait pas mal. Mais elle use. Ce sont les sucres ajoutés, les excès de viande, les fritures quotidiennes qui entretiennent ce terrain propice aux maladies.
Utiliser l’EDIP comme guide
Contrairement à d’autres outils, le score EDIP est validé par la biologie humaine réelle. Il offre un cadre simple pour orienter ses choix alimentaires au quotidien.
Surveiller ses marqueurs sanguins si possible
La CRP ultrasensible est facile à doser. Elle peut vous aider à visualiser l’effet de vos changements alimentaires, et à prévenir les risques bien avant les symptômes.
Conclusion
L’inflammation chronique est le feu invisible du vieillissement. Ce feu, nous le nourrissons ou nous l’apaisons à chaque repas. Grâce à l’étude de Harvard, nous disposons d’un outil clair — le score EDIP — pour mesurer l’impact réel de notre alimentation sur notre santé à long terme. C’est une invitation à cuisiner avec conscience. À manger pour vivre, et non pour s’éteindre à petit feu.
Source (APA avec lien cliquable)
Tabung, F. K., Smith-Warner, S. A., Chavarro, J. E., Fung, T. T., Hu, F. B., Willett, W. C., & Giovannucci, E. L. (2017). An Empirical Dietary Inflammatory Pattern Score Enhances Prediction of Circulating Inflammatory Biomarkers in Adults. The Journal of Nutrition, 147(8), 1567–1577. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5525108/