En bref
Une étude a démontré qu’un régime riche en graisses de type occidental peut perturber les fonctions de la mémoire dans le cerveau en quelques jours seulement, bien avant l’apparition de l’obésité ou du diabète. Ce dysfonctionnement est lié à une mauvaise disponibilité du glucose dans l’hippocampe, la zone clé de la mémoire, entraînant l’hyperactivité de neurones spécifiques. Ces découvertes mettent en lumière le rôle crucial du métabolisme du glucose cérébral dans la préservation de la santé cognitive.
Introduction
Le lien entre les troubles métaboliques, tels que l’obésité et le diabète, et un risque accru de déclin cognitif est établi. Cependant, les mécanismes cellulaires précis par lesquels une mauvaise alimentation affecte le cerveau, et surtout à quelle vitesse, sont restés peu clairs. Cette recherche apporte un éclairage surprenant. Elle révèle que les régimes riches en graisses (simulant la malbouffe occidentale) peuvent rapidement « reprogrammer » le centre de la mémoire du cerveau. Comprendre ce mécanisme offre de nouvelles perspectives pour des interventions précoces visant à prévenir le déclin cognitif et à préserver l’autonomie à long terme.
Protocole de l’étude : un impact cérébral ultra-rapide
L’étude a été menée dans le but d’identifier les mécanismes cellulaires spécifiques qui relient le stress métabolique d’origine alimentaire à la fonction de l’hippocampe, la région du cerveau essentielle à la mémoire et à l’apprentissage.
- Modèle et exposition : Des modèles murins (souris) ont été soumis à un régime riche en graisses (HFD) qui imitait la composition des aliments de type « malbouffe » occidentale (riche en graisses saturées). Les chercheurs ont étudié les effets d’une exposition de courte durée (4 jours) ainsi que d’une exposition prolongée induisant l’obésité.
- Ciblage neuronal : L’équipe s’est concentrée sur des neurones précis de l’hippocampe, appelés interneurones CCK (exprimant la cholécystokinine) dans le gyrus denté, une sous-région critique.
- Mesures clés : Les chercheurs ont évalué les performances de la mémoire des souris, ont mesuré l’activité électrique de ces interneurones CCK, et ont analysé la disponibilité du glucose (sucre) dans cette zone du cerveau, ainsi que le rôle d’une enzyme glycolytique (PKM2) dans ce processus.
- Interventions : Des souris ont été soumises à des manipulations génétiques, pharmacologiques ou diététiques (notamment le jeûne intermittent) pour tester leur capacité à inverser les déficits observés.
Résultat de l’étude : l’hippocampe en manque de carburant
Les résultats ont révélé une connexion rapide et directe entre le régime alimentaire et le dysfonctionnement cérébral.
- Détérioration rapide de la mémoire : La consommation d’un régime riche en graisses de courte durée a provoqué une altération du traitement de la mémoire chez les souris en seulement 4 jours.
- Hyperactivité neuronale : Cette perturbation était directement corrélée à une hyperactivité des interneurones CCK dans l’hippocampe.
- Le problème du glucose : Il a été démontré que les interneurones CCK sont normalement inhibés par le glucose. Cependant, le régime riche en graisses induit une réduction de la disponibilité du glucose dans le gyrus denté. C’est ce manque de carburant qui entraîne l’hyperactivité des neurones et la perturbation de la mémoire.
- Rôle de l’enzyme PKM2 : L’enzyme PKM2, essentielle au métabolisme du glucose, était hyperactive (phosphorylée) en réponse à l’HFD, contribuant à cette mauvaise utilisation du glucose dans la région.
- Restauration de la fonction : Fait important, le rétablissement de la disponibilité du glucose dans le cerveau, ou des interventions visant à normaliser l’activité neuronale (CCK) et l’enzyme PKM2, a réussi à annuler les déficits de mémoire à court et long terme. De plus, le jeûne intermittent s’est montré efficace pour normaliser l’activité neuronale.
Ce que nous pouvons faire pour notre santé selon cette étude
Ces résultats soulignent que la qualité de l’alimentation affecte directement la fonction cérébrale par des mécanismes métaboliques précis, indépendamment du gain de poids. La gestion du régime alimentaire est une clé de la santé cognitive.
- Réduire rapidement l’impact du régime occidental : Le message le plus clair est que l’impact d’un régime riche en graisses sur le cerveau est quasi immédiat. Pour la santé et la longévité cérébrale, il est pertinent d’éviter la consommation régulière et excessive d’aliments riches en graisses saturées qui ressemblent à la malbouffe.
- Optimiser le métabolisme du glucose cérébral : La capacité du cerveau à accéder et à utiliser le glucose est vitale pour la mémoire. Des stratégies alimentaires favorisant un métabolisme stable du glucose (régimes à faible indice glycémique, gestion de l’insuline, activité physique) sont susceptibles de protéger la fonction neuronale.
- Considérer le jeûne intermittent : L’étude a montré que l’adoption de périodes de jeûne intermittent permettait de normaliser l’activité des neurones impliqués dans la mémoire. Bien que des études chez l’homme soient nécessaires, l’intégration du jeûne intermittent, sous surveillance, pourrait être une stratégie simple pour rétablir un métabolisme cérébral sain.
Conclusion
Cette étude établit un lien causal et rapide entre un régime riche en graisses et le déclin des fonctions de la mémoire, désignant le métabolisme du glucose dans l’hippocampe comme le point de vulnérabilité. Elle démontre que la qualité de l’alimentation exerce un effet profond sur le cerveau, indépendamment du poids corporel. Ces découvertes désignent des cibles thérapeutiques spécifiques pour la prévention des déficits cognitifs liés aux troubles métaboliques et soulignent l’importance des interventions diététiques précoces pour la préservation de notre longévité cognitive.
Source
Landry, T. J., et al. (2025). Targeting glucose-inhibited hippocampal CCK interneurons prevents cognitive impairment in diet-induced obesity. Neuron, 113(19). https://www.cell.com/neuron/abstract/S0896-6273(25)00622-1