En bref
Une étude publiée en 2025 dans iScience révèle qu’une restriction alimentaire en méthionine, même de courte durée pendant la gestation, entraîne un ralentissement du développement du néocortex chez la souris. Cependant, cet effet est réversible si une alimentation normale est réintroduite à temps.
Introduction
La méthionine est un acide aminé essentiel, indispensable à la prolifération cellulaire, à la régulation épigénétique et au bon développement embryonnaire. Si les effets d’une carence prolongée sont bien documentés, on connaît encore mal les conséquences d’une restriction aiguë, notamment sur le développement du cerveau. Cette étude s’intéresse à l’impact d’une restriction transitoire en méthionine sur le développement du néocortex chez la souris.
Ce que montre l’étude
Les sources de méthionine
La méthionine est un acide aminé essentiel, c’est-à-dire que l’organisme ne peut pas la produire et qu’elle doit être apportée par l’alimentation. Elle est particulièrement abondante dans :
- Les produits d’origine animale : viande (notamment le bœuf, le porc et la volaille), œufs, poissons et produits laitiers.
- Les légumineuses et graines : lentilles, pois chiches, graines de tournesol et de sésame.
- Les céréales complètes : riz brun, avoine, blé complet.
Une alimentation végétarienne bien construite, associant différentes sources végétales de protéines (comme céréales et légumineuses), permet généralement de couvrir les besoins. En revanche, toute restriction volontaire en méthionine — dans une optique de longévité ou de santé métabolique — doit être rigoureusement encadrée, notamment chez les femmes enceintes.
Les populations à risque
Les personnes à risque de carence en méthionine incluent :
- Les femmes enceintes suivant un régime végétalien ou végétarien strict sans complémentation ni diversification suffisante.
- Les personnes âgées, chez qui les apports protéiques peuvent être réduits.
- Les individus souffrant de troubles digestifs chroniques (malabsorption, maladies inflammatoires intestinales).
- Les personnes suivant des régimes restrictifs prolongés, en particulier ceux très pauvres en protéines.
Les résultats de l’étude
Les chercheurs ont soumis des souris gestantes à une restriction en méthionine durant cinq jours, à un moment clé du développement du cerveau embryonnaire. Contrairement à d’autres organes comme le foie ou le cœur, le néocortex a montré une forte sensibilité à cette restriction.
Les résultats clés sont les suivants :
- Arrêt du cycle cellulaire : Les cellules progénitrices neuronales ont cessé de se diviser, s’arrêtant dans les phases S/G2 du cycle cellulaire. Cela a entraîné une diminution temporaire de la production de neurones.
- Microcéphalie réversible : Cette réduction de la neurogenèse a provoqué une diminution de la taille du néocortex (microcéphalie) chez les embryons. Cependant, lorsque l’alimentation normale a été réintroduite, une croissance compensatoire s’est mise en place, permettant de restaurer la production de neurones à la naissance.
- Changement métabolique distinct : Les cellules en pause dans S/G2 présentaient un profil métabolique particulier, différent de celui des cellules en quiescence classique (G0), suggérant une forme transitoire d’inactivité cellulaire compatible avec un redémarrage rapide.
- Compromis développemental : Si les neurones étaient restaurés, la production de cellules gliales (essentielles au soutien des neurones) était quant à elle réduite, indiquant un ajustement dans la hiérarchie des priorités développementales.
Ces résultats ont été validés par des techniques d’imagerie de cytométrie de masse et de suivi de lignées cellulaires, permettant une observation précise des réponses tissulaires et moléculaires.
Que pouvons-nous retenir pour notre santé ?
Même si cette étude a été conduite chez la souris, elle met en lumière plusieurs éléments importants pour la santé humaine :
- L’importance d’un apport suffisant en acides aminés essentiels pendant la grossesse, et en particulier de la méthionine, que l’organisme ne peut pas produire lui-même.
- Le cerveau en développement est extrêmement sensible à l’environnement nutritionnel, ce qui justifie une attention particulière à la qualité des apports pendant la gestation.
- Les mécanismes de récupération du cerveau embryonnaire existent, mais peuvent entraîner des compromis. Une carence corrigée à temps peut permettre un retour à la normale, mais certaines fonctions, comme le soutien glial, peuvent rester affectées.
- La nutrition prénatale influence la trajectoire de développement, et potentiellement la santé neurologique à long terme.
Conclusion
Cette étude révèle la sensibilité du développement cérébral à de brèves restrictions nutritionnelles, en particulier en acides aminés essentiels comme la méthionine. Si la plasticité du cerveau embryonnaire permet une récupération fonctionnelle, cette adaptation pourrait se faire au détriment d’autres fonctions. Ces travaux renforcent l’importance d’une alimentation équilibrée pendant la grossesse pour favoriser une croissance cérébrale optimale.
Source
Saha, S., Debacq, C., Audouard, C., et al. (2025). Acute dietary methionine restriction triggers cell cycle arrest and reversible growth defects in the neocortex. iScience, 28, 112705. https://doi.org/10.1016/j.isci.2025.112705